Feerix Club - Chapitre 1

  Nous sommes en 2030, dans une petite ville de la Terre appelée Gardenia. Bien que d’une taille relativement petite, Gardenia est pourtant connue dans le monde entier. Et pour cause ! Cette cité a connu un destin particulier, il y a un peu plus de vingt ans de cela… C’est en effet à Gardenia que la magie était réapparue en 2009, après plusieurs siècles d’absence. Le retour de la magie avait changé beaucoup de choses et dans l’ensemble, elle avait grandement amélioré la vie des gens. Même si les Terriens connaissaient maintenant l’existence de la Dimension Magique, la plupart d’entre eux ne souhaitaient pas quitter leur chère planète bleue et continuaient de vivre leur vie tranquillement, avec un soupçon de magie en plus…
  Cependant, il existait encore des gens qui semblaient n’avoir pas du tout changé leurs habitudes malgré la présence de la magie. C’était le cas de Sienna, une jolie jeune fille aux yeux turquoise et aux longs cheveux noirs et bouclés. Il fallait dire aussi que les parents de cette demoiselle, Thomas et Sylvie, détestaient la magie. Ils ne supportaient pas d’entendre à la télé ou de lire dans le journal les récits de personnes qui avaient eu des accidents ou des blessures parce qu’ils avaient mal utilisé la magie. Comme le disait Thomas dès qu’il en avait l’occasion : « Quand on ne sait pas faire de la magie, on n’en fait pas ! C’était bien mieux avant, tiens… »
  Avant… Avant 2009, avant que les Terriens ne se remettent à croire en la magie… Cette époque, Sienna, qui n’avait que seize ans, ne l’avait pas connue. Et elle le regrettait, tant ses parents décrivaient cette période comme un paradis. La plupart de ses copines de lycée n’avaient que le mot « magie » en bouche et rêvaient de devenir des fées et d’étudier au Collège Magique de Gardenia. Sienna, elle, aurait simplement aimé avoir une vie normale et simple.
  Mais son destin était déjà tracé et il ne correspondait pas du tout à ce que la jeune fille espérait…

 Pour l’heure, Sienna était aux anges. Elle s’habilla à la hâte dans sa petite chambre d’enfance, noua ses sandales, finit de boutonner son chemisier couleur ciel, lissa d’une main sa jupette et fixa une barrette dans ses cheveux. En cette journée d’été, l’une des premières de la saison, son père lui avait annoncé qu’il allait lui offrir un cadeau. Sienna était presque sûre que c’était un scooter ! Elle le réclamait à ses parents depuis une éternité. La jeune fille se précipita à sa fenêtre mais à l’extérieur, elle ne vit que la petite voiture rouge de ses parents. Un peu dépitée, Sienna se dit que l’objet de ses convoitises était probablement caché dans le garage. Elle ferma alors la fenêtre et se précipita vers la porte de sa chambre. Avant de sortir, elle jeta un dernier coup d’œil en arrière et soupira :
-    Aïe… Si Maman voit ça…
  Sa chambre, censée être tout le temps impeccablement rangée « Promis, Maman, cette fois je me laisserai pas envahir par le désordre ! », offrait pour l’heure le spectacle d’un joyeux bazar. Les vêtements étaient éparpillés sur le lit, les affaires de plage traînaient sur le tapis, les feuilles de cours trônaient autant sur le bureau que sur la chaise et la trousse de maquillage avait vu son contenu déversé sur la coiffeuse.
 Avec un sourire, Sienna referma prudemment la porte derrière elle. Porte fermée = défense d’entrer, sa mère le savait. Elle aurait donc le temps de ranger plus tard. Sienna dévala les escaliers, le sourire aux lèvres. Cette maison, elle la connaissait par cœur, elle y avait toujours vécu et pouvait la traverser les yeux fermés. Dans la cuisine, son père, un homme grand et très élégant, blonds aux yeux verts et sa mère, une belle femme aux boucles noires, l’accueillirent avec un sourire. Ici, tout était normal, pas de magie, pas de truc bizarre.
-    Bonjour Maman ! Bonjour Papa !
-    Bonjour, ma chérie, dit Sylvie en déposant des pan cakes dans une assiette.
  Devant l’assiette se trouvait un énorme paquet cadeau. Avec un signe de tête, Thomas invita sa fille à l’ouvrir mais Sienna hésita.
-    « Un scooter ne peut pas tenir là-dedans », se dit-elle. « Oh mais… Je suis bête ! C’est surement un casque ! Décidément, Papa pense à tout. »
  Ravie, Sienna attaqua sauvagement l’emballage, qui ne lui résista pas longtemps. Sylvie, elle, avait pris place sur les genoux de son mari pour profiter de l’expression du visage de sa fille quand elle découvrirait son cadeau. Et quelle expression ! En quelques secondes, le visage ravi de Sienna arbora une grimace surprise mais finalement, elle ne parvint pas à cacher sa déception. Devant elle se trouvait une boîte contenant une paire de rollers tout neufs. Essayant de faire bonne figure, elle esquissa un sourire peu convaincant.
-    Des rollers… ? Merci Papa, merci Maman, ils sont vraiment superbes…
 Ca oui, ils l’étaient, superbes. Bleus, avec des attaches blanches, ils étaient en plus du tout dernier modèle. Beaucoup de filles allaient envier Sienna qui, elle, continuerait d’envier ses copines qui roulaient à scooter.
-    Tu es sûre que ça te plait ? demanda Sylvie. On dirait que tu attendais autre chose…
-    Non, Maman, je t’assure, répondit Sienna en forçant son sourire.
-    Avec ces rollers, tu vas pouvoir explorer la ville différemment et te faire de nouvelles amies, commenta Thomas avec un sourire. Comme cette fille qui s’est teint les cheveux, euh, Irissa, je crois…
 Sienna soupira en sortant les rollers de la boite pour mieux les examiner.
-    Irissa est une vraie peste, Papa, je n’ai aucune envie qu’on soit amies. Et elle n’a pas coloré ses cheveux, ils sont comme ça naturellement. Elle fait de la magie, tu sais…
 Sienna se mordit presque aussitôt la lèvre. Elle avait prononcé le mot interdit : « magie ». Sa mère se redressa brusquement, comme si la foudre l’avait frappée. Son père, lui, se leva, attrapa Sienna, qui tenait toujours les rollers dans ses mains, par le bras et, se forçant à sourire, lança d’un ton faussement joyeux :
-    Allez, assez bavardé, va donc essayer tes patins.
 Il ouvrit la porte et Sienna sortit, ayant eu à peine le temps d’attraper son sac. Un peu surprise, la jeune fille s’assit sur les marches devant la maison. Elle n’arrivait pas à comprendre la réaction de ses parents chaque fois qu’elle parlait de la magie, même si elle y était habituée. Certes, elle-même ne l’aimait pas, mais de là à bannir le mot même…
-    « Il faudra qu’on ait une conversation un jour à ce sujet », se dit-elle en retirant ses sandales.
 Quitte à être dehors avec ses rollers, autant en profiter pour se balader après tout. Elle avait eu l’intention de se rendre à la plage en scooter… Pour le scooter, il valait mieux oublier pour le moment, mais pour la plage, c’était encore possible. Sienna rangea ses sandales dans son sac et se mit en route. Elle n’était pas une excellente patineuse mais se débrouillait quand même assez bien. Au bout de quelques minutes, elle se sentit assez à l’aise pour prendre un peu de vitesse. Son sac sur le dos, la masse de ses boucles noires flottant derrière elle, Sienna sourit. Elle était bien et la balade lui plaisait.
 Les rues de Gardenia étaient, il fallait l’avouer, un vrai paradis pour qui aime flâner. Les maisons à étage se succédaient les unes aux autres, roses, blanches, jaunes, vertes… Les trottoirs, soigneusement entretenus par les agents municipaux, étaient encore assez déserts à cette heure du milieu de la matinée. Sienna savait qu’il y aurait bien plus de monde dans l’après-midi. C’était la fin de l’année scolaire et beaucoup de jeunes n’allaient plus en cours. Un peu partout, des arbres et des massifs de fleurs rappelaient que Gardenia était une ville verte. Le parfum de la nature se mêlait aux odeurs des embruns, la mer était toute proche. Et sur la plage, peut-être y aurait-il…
 Absorbée par ses pensées, Sienna ne vit pas le petit garçon qui venait de tomber à quelques mètres devant elle. Oh non ! Elle allait beaucoup trop vite, elle ne pourrait pas l’éviter ! Sienna se concentra, plia les genoux et au dernier moment, sauta au-dessus de l’enfant. Elle atterrit gracieusement un peu plus loin, se félicitant d’avoir pensé à mettre un mini short sous sa jupe. Elle fit aussitôt demi-tour et se pencha pour aider le garçon à se relever.
-    Ca va ? Tu n’es pas blessé, au moins ?
Le petit garçon fit « non » de la tête puis il se mit à dévisager Sienna de ses grands yeux verts.
-    Pourquoi tu t’es pas envolée ? finit-il par dire.
-    Envolée ? s’étonna Sienna. Et comment j’aurais pu faire ça ? J’avais le choix entre te foncer dessus et sauter au-dessus de toi.
-    Mais les fées, elles volent, insista le garçon.
 Ce fut au tour de Sienna d’écarquiller les yeux.
-    Mais… je ne suis pas une fée, admit-elle.
-    Ben t’es trop nulle, alors, dit le garçon, apparemment déçu.
 Il s’éloigna et retrouva sa mère quelques mètres plus loin. Sienna se releva lentement, encore surprise par cette curieuse rencontre.
-    La magie…, soupira-t-elle. Elle ne sert à rien alors pourquoi tout le monde veut pouvoir s’en servir ?
 Elle se retourna et s’apprêtait à poursuivre sa route vers la plage, lorsqu’une voix féminine, douce et belle, s’éleva derrière elle.
-    Elle sert à tout au contraire, elle rend les gens plus heureux et leur apporte de l’espoir.
 Sienna se retourna et sursauta. Une immense limousine blanche venait de s’arrêter devant une simple petite maison. Curieusement, Sienna n’avait pas entendu la voiture arriver.
 Elle examina l’espace d’une seconde son interlocutrice et resta bouche bée. C’était une femme d’une incroyable beauté, de taille moyenne, elle avait un visage fin, des yeux turquoise comme ceux de Sienna et une longue chevelure ondulée et rouge comme le feu. Elle était vêtue d’une jolie tunique sans manche couleur ciel et d’un simple jean mais dégageait un charisme tel que Sienna se persuada vite que c’était quelqu’un d’exceptionnel.
 Pour ne pas sembler impolie, elle se décida à lui répondre :
-    Si vous le dites… Vous savez, mes parents détestent la magie et ils m’ont élevée comme ça.
 La femme aux cheveux flamboyants eut un sourire et s’approcha de Sienna.
-    Peu importe ce que tes parents pensent. Toi, tu crois en la magie ?
 Sienna ne put répondre tout de suite. Elle sentait son cœur battre étrangement vite et avait l’impression que le temps s’était arrêté, elle était presque hypnotisée par le regard de cette femme.
-    Je… euh… je dois y aller, murmura-t-elle en rougissant. Au revoir.
 Et sans demander son reste, Sienna s’élança vers la mer.

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